SEUL AU MONDE

Il est commun pour les plumes d’écrire seules, de se retirer de l’agitation du monde pour pouvoir laisser libre cours à son imagination et au tumulte qui agite leur esprit. Je viens te livrer ici comment j’écarte loin de moi tout le tintamarre de la vie. J’ai besoin de calme, plus que ça, d’un silence de cathédrale, d’un silence de nécropole pour plonger en mes histoires.

Ce silence est pour moi indispensable, il est le portail qui me mène chaque fois aux Terres d’Ilhyya, qui me change en le maître du palais roulant. Il est parfois fait et né d’un vacarme assourdissant. Ainsi, lorsque derrière le clavier je m’assois, je pose sur mes oreilles le casque, je lance mes playlist (qu’elles soient locales ou enregistrées sur Spotify). Je n’aime pas beaucoup monter le son mais je le fais ainsi. Alors l’agitation du dehors s’estompe, les voix se taisent et sur l’écran, sur ces pages vierges, se dessinent les immensités des royaumes. Les Terres d’Ilhyya m’appellent et je leur répond.

Lorsque mes doigts s’agitent, tantôt hésitants tantôt frénétiques, je vois les personnages s’animer, j’entends leurs voix, je marche à leur côtés, j’admire les créatures, maître de toutes les destinées. Le temps court alors, plus hâtif qu’il ne le semble. Les minutes se succèdent puis les heures sans que je ne les vois passer. Je deviens sourd au monde extérieur, je n’entends plus ni ne sens ni ne vois. Seuls sont les mots, seules sont ces pages qui défilent peu à peu.

Je me laisse emporter dans ce flot incessant, dans ce torrent où je plonge avec délice après l’avoir longtemps craint. Il y a de cela plus d’une vingtaine d’années j’avais sauté à pied joint dans ces eaux, oubliant le boire et le manger, restant dix heures à écrire à la main (je n’avais pas encore alors d’ordinateur) Cela fuit aussi effrayant que jouissif. J’ai compris alors la nécessité impérieuse pour moi d’être seul au monde pour écrire, pour vivre mes récits. 

Et toi, cher arpenteur, écris-tu ? Si ta réponse est oui aime tu être seul ? Si ta réponse est non que penses-tu de l’ineffable solitude des écrivains?

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